Le Train dans les Landes de Gascogne

Le sabotage de Laluque le 27 juillet 1944.


Le sabotage du 27 juillet 1944.  Taller a abrité un des plus importants dépôts d'armes et de munitions de la Wermacht pendant la seconde guerre mondiale.  Ces armes et munitions sont en sûreté dans la forêt landaise car faciles à garder, mais cet isolement est aussi le talon d'achille de ce dispositif. En effet, à part la route, et les Allemands n'ont que deux camions dans le secteur à cette époque, il n'y a que la voie ferrée Laluque-St Girons pour relier ce dépôt à la grande artère Bordeaux-Bayonne. Et notre petite ligne n'a pas un gros débit ! Le temps de rassembler tous les wagons en gare de Laluque et des résistants, le groupe Pontonx, fera sauter ce train. Lire ICI.

Voci le texte de JP Mabille :
"Le 24 juillet les autorités allemandes demandent aux VFL la mise à disposition, en gare de Taller, de 45 wagons type G (des wagons couverts) pour la formation d'un train spécial (vivres, vêtements et munitions) à destination de Rennes via Bordeaux Saint Jean. Cet élément devait être acheminé de Taller à Laluque par le train  352 du 29 juillet. mais la voie de garage de Taller ne pouvait contenir que 18 wagons, il a été convenu avec le chef de la surveillance allemande (Reichbahn) en gare de Dax que les wagons vides et chargés seraient acheminés à raison d'une quinzaine par jour, fortement encadrés par des soldats. Le 27 juillet, vers 17 heures, alors que l'équipe des VFL effectue la conduite des trains 331 et 330 sur la ligne de Tartas, les 32 wagons chargés de munitions qui se trouvent en gare de Laluque sont mitraillés par deux avions anglais. Rien d'anormal ne fut constaté après le passage des deux avions. Les sentinelles purent reprendre leur ronde, heureusement car dans l'ombre Henri Ferrand (1) attendait le moment propice pour poser deux boules de plastic armées de deux crayons de deux heures. Ce qu'il réussit à faire dans deux wagonsdont les vasistas étaient restés ouverts. Il est 18 heures, après un ultime détour pour ne pas éveiller le soupçon des sentinelles, il rejoint le quai, se mêle aux voyageurs, enjambe discrètement son vélo pour s'échapper. Ouf ! il était temps de disparaître... Il rentre à Pontonx, enterre ses vêtements car il a déjà été perquisitionné deux fois par les Allemands.
Lire ici son témoignage.
Aussi à 19 heures, la machine revenant de Tartas est dirigée en MI  (marche indéterminée d'une circulation ferroviaire, sans horaire spécial) sur Taller pour aller chercher les 13 derniers wagons chargés  destinés à compléter le train qui devait partir le soir même pour Bordeaux. Après avoir formé le train, l'équipe s'apprête à partir de Taller lorsque de violentes explosions se font entendre en direction de Laluque : mais que se passe-t-il ? (à la troisième explosion Henri Ferrand, caché chez des amis à Pontonx, comprit que son sabotage avait réussi.)
Prudemment, le train 1350 qui tirait 13 wagons s'arrêta au signal d'entrée de Laluque à 20h30. Ce signal, désespèrément  fermé, interdisait au convoi de pénétrer en gare. Des sentinelles allemandes couraient dans tous les sens, le poste d'aiguillage était encerclé par la police allemande. A deux cent mètres de là, sur la voie 7, les wagons qui se trouvaient là étaient en feu, les obus explosaient dans tous les sens depuis 19h35 environ, tout était calciné, la gare était presque détruite. Mais à 20h45, le chef de train Lagoeyte, le mécanicien Larrouy et le chauffeur Gensous, qui conduisaient le train 1350 arrêté au signal, reçurent l'ordre d'un officier allemand, sous la menace d'un revolver, d'aller avec la locomotive dégager les wagons de munitions qui n'avaient pas encore pris feu. Ils étaient menacés de mort s'ils n'obéissaient pas immédiatement.
Pendant ce temps, le facteur mixte Gourgues qui se trouvait au poste d'aiguillage reçut l'ordre de tracer l'itinéraire et de procéder à la coupure de la rame du 1350. la machine fut dirigée vers la voie où se trouvaient les wagons à sauver.
Le facteur enregistrant Luflade, qui avait reçu l'ordre préalablemement de couper (détacher) les 13 wagons non encore atteints, procéda à l'accrochage de cette rame qui fut tirée par la machine, puis poussée en direction de Rion des Landes jusqu'à 800 mètres de la gare de Laluque. Ces wagons furent repris plus tard par une machine SNCF venue de Morcenx.
Le lendemain la BM 23 (Born et Marensin) retourne à Morcenx prendre de l'eau ainsi que 500kg de charbon car la gare de Laluque est totalement détruite. De retour zone nord à Laluque vers 18h50, elle procède à l'éparpillement de ces mêmes wagons entre Laluque et Boos suivant les instructions des Allemands montés sur la machine. Arrivés à Laluque Boos, les soldats descendent au passage de Lacomère, route de Boos, et rentrent à leur casernement, la locomotive put enfin rentrer à St Girons, machine isolée à 22h06.
Le 29 juillet à 12 heures, une machine SNCF est venue chercher sur la ligne de St Girons les 13 wagons qui stationnaient là depuis le 27 juillet. Le rapport de gendarmerie faisait état de l'explosion de 21 wagons chargés de munition en gare de Laluque.
Quand aux conséquences, elles furent sèvères pour la SNCF, seules les voies principales furent remises en état après une semaine de travaux, pour le reste.... (Aujourd'hui encore, certains supports ogives caténaire portent la trace d'éclats d'obus)."

Les VFL ont perdu deux véhicules lors de ce sabotage : "...du wagon 99764 chargé de 20t de criblé Lorraine qui se trouvait en gare de Laluque prêt à être livré pour la réserve des VFL"  et de "...la voiture ABDF 8 , qui se trouvait avec les wagons de munitions, fut totalement carbonisée..."
Dans la voiture ABDF 8 se trouvaient les objets suivants appartenant aux VFL :
- 1 boîte de secours complète,
- 1 coffre à dépêches en bois,
- 1 panier de route et son cadenas,
- 1 lanterne manchon et sa lampe,
- 2 lanternes à 3 feux à huile,
- 1 lanterne à 3 feux à acétylène,
- 1 cric de 5 tonnes,
- 2 haches de bûcheron,
- 1 scie passe partout,
- 1 drapeau rouge avec étui en cuir,
- 1 drapeau vert,
- 1 cornet de chef de train,
- 1 corne d'appel,
- 1 chaise,
- 1 encrier fonte,
- 2 jalons ferrés avec drapeau rouge,
- 1 bidon à huile de 2 kilos,
- 1 bidon à pétrole de 5 kg,
- 4 chaines pour cadenassage des wagons à laisser en pleine voie,
- 4 cadenas,
- 1 boite à carbure de 4 kg,
- 2 clés à cadenas n°5,
- 6 pétards dans une boîte métallique,
- 1 collection complète d'O.S. circulaire,
- 1 brosse à coussins.

Dans le fourgon, le chef de train Lagoeyte avait laissé les objets personnels suivants :
- 1 paire de souliers, 1 paire de sandales,
- 1 chandail en laine, 1 veston satinette noire,
- 1 veste drap, 1 paire d'esclopettes ( des galoches) avec feutres, 1 parapluie,
- 1 stylo plume or, 2 paires de lunettes.

(1) Henri Ferrand est un jeune Normalien en rupture du STO.
Un bas-relief d'henri Ferrand est accroché en hommage sur le mur de l'école de Laluque.






Les textes en italique sont de Jean Pierre Mabille, bulletin N°20 Mémoire en Marensin.
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